EMPRUNTS TOXIQUES DE LA METROPOLE DE LYON ET DU DEPARTEMENT DU RHONE : LA FAUTE A PERSONNE ?
Le bilan des emprunts toxiques de la Métropole de Lyon et du Département du Rhône peut se résumer en un seul chiffre : 424 millions d’euros d’indemnités de remboursement anticipé seront versés à partir de 2016 (sur plusieurs années) aux banques pour permettre à ces deux collectivités de sortir des emprunts toxiques (c'est-à-dire de transformer les emprunts toxiques à taux d’intérêt élevés en emprunts classiques à taux normaux), auxquelles il faut ajouter environ 100 millions d’euros d’indemnités déjà négociées en 2013 et 2014 par le Département du Rhône pour se sortir partiellement de certains de ces emprunts, soit au total plus de 500 millions d’euros d’indemnités qui vont sortir des poches des contribuables pour aller directement dans celles des banques !
Et l’addition ne s’arrête pas là puisqu’il faudra que ces deux collectivités continuent à rembourser aux mêmes banques le montant du capital des emprunts toxiques restant dû (soit 217 millions d’euros d’emprunts sur une quinzaine d’années environ) et même il leur faudra réemprunter pour payer les indemnités qu’elles n’ont évidemment pas en trésorerie !
L’opération est extrêmement salée pour le public et particulièrement favorable aux banques !
Alors une question se pose : quels sont les responsables de cette situation acceptée par la grande majorité des élus de ces deux collectivités (à l’exception des élus du PCF et de quelques élus d’EELV) ?
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Des responsables majeurs : Michel MERCIER (ancien président du Conseil général du Rhône) et les banques (notamment DEXIA) :
A la fin des années 1990 et au début des années 2000 l’ancien Président du Conseil général du Rhône Michel MERCIER a souscrit à tour de bras de nouveaux types d’emprunts (dit prêts structurés) inventés et proposés largement par la banque DEXIA (puis ensuite par la plupart des autres banques). Ces emprunts, présentés comme la solution royale à l’endettement des collectivités locales (mais aussi des hôpitaux, des organismes HLM et autres agents publics), se caractérisent par des intérêts calculés en fonction d’indices boursiers (selon des formules mathématiques relativement complexes) avec une période de « bonification » de deux ou trois ans au cours de laquelle les taux d’intérêts sont fixes et relativement bas (une sorte d’appât pour faciliter l’opération).
Ainsi constitués ces prêts peuvent en fonction de l’évolution des indices boursiers sur la base desquels leurs intérêts sont calculés se révéler être très chers pour les emprunteurs (d’où leur nom d’emprunts toxiques qui en exprime la dangerosité).
Et Michel MERCIER y a cru à cette recette miracle ! Au point que pendant des années (tout en niant l’importance de ces prêts dans l’endettement total du Conseil général du Rhône) il en vantait (contre toute vraisemblance) les vertus.
Or en réalité (la chambre régionale des comptes le révèlera dans son rapport de 2013) c’était plus de la moitié de l’endettement total du Conseil général du Rhône qui, à l’époque, était constitué d’emprunts structurés dont certains se sont rapidement révélés être très toxiques.
Or, dès 2013, avec la sortie de ces prêts de la période de bonification, il apparait très clairement que la situation de certains des prêts souscrits par la Conseil général du Rhône se dégrade rapidement.
Pour en sortir sans se dédire, Michel MERCIER négocie alors (années 2012 à 2014) en toute opacité avec les banques pour masquer la situation réelle de ces emprunts et pour ne pas payer « plein pot » les intérêts dus : cela se traduit par le versement aux banques prêteuses d’indemnités (dont le coût total peut être estimé à environ 100 millions d’euros sur ces deux années) pour prolonger les périodes de bonification.
Ainsi on peut considérer que Michel MERCIER (par manque de lucidité, par ignorance ou incompétence ?) et les banques prêteuses (par défaut de conseil –ce qui est théoriquement dans leur rôle auprès des collectivités locales- et par tromperie sur les prêts proposés) sont les responsables majeurs de la situation d’embourbement des collectivités lyonnaises dans ces emprunts nocifs.
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Des responsables importants : Gérard COLLOMB (président de la Métropole de Lyon), Christophe GUILLOTEAU (nouveau président de l’actuel Département du Rhône) ainsi que la plupart des élus qui les soutiennent :
Si les emprunts toxiques commencent à se dégrader dès 2012, c’est à partir de janvier 2015 que la situation devient vraiment explosive avec la décision de la Banque centrale suisse de laisser flotter sa monnaie dont la valeur augmente alors de près de 20% par rapport à celle de l’euro ; ce qui se traduit immédiatement par l’explosion des taux d’intérêt des emprunts calculés en fonction de ces monnaies (certains taux d’intérêt atteignent rapidement le 15% par an).
Or à la même époque (janvier 2015) la Métropole de Lyon nouvellement créée récupère sur son territoire les compétences de l’ancien Département du Rhône : cela se traduit par la répartition de l’actif et du passif de cette collectivité selon un prorata de 65% pour la Métropole et 35% pour le nouveau Département du Rhône. Les emprunts toxiques sont évidemment répartis selon la même clé entre ces deux collectivités.
Ainsi en un tour de main les emprunts toxiques initialement souscrits par le seul Département du Rhône sont généreusement répartis entre les deux nouvelles collectivités ! Une large majorité d’élus toutes tendances politiques confondues approuve ces nouvelles dispositions.
Mais au cours de l’année 2015, puis en 2016 la situation de ces emprunts ne cesse de se dégrader : une seule solution est réellement envisagée par Gérard COLLOMB et Christophe GUILLOTEAU : négocier rapidement avec les banques pour sortir au plus vite de ces emprunts toxiques à taux élevés.
Les recours juridiques visant à dénoncer et faire condamner les banques sont rapidement abandonnés pour faciliter la négociation et des accords aboutissant au paiement d’indemnités faramineuses (rappelées ci-dessus) sont rapidement conclus et approuvés par une très large majorité d’élus (décisions de mars et mai 2016).
La responsabilités de tous ces décideurs qui, une fois de plus ont largement fait confiance aux banques auxquelles ils sont liés dans une multitudes d’opérations financières, est lourde de conséquences : aucune enquête ne sera jamais menée sur la responsabilité des banques dans ce dossier, aucune condamnation ne sera jamais prononcée à leur encontre alors que leurs responsabilités sont majeures dans la propagation de ces emprunts, aucun rapport de force ne sera créé pour les obliger à supporter les frais extravagants générés par ces prêts.
Les collectivités locales, les citoyens paieront donc aux banques de lourdes indemnités pour des emprunts dont la seule qualité aura été d’avoir augmenté considérablement les intérêts versés aux banques motrices de cette affaire.
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Un Etat partial et favorable aux banques :
On aurait pu espérer que l’Etat joue un rôle de médiateur et défende les intérêts des acteurs publics : ce n’est absolument pas le cas. Après avoir dépensé près de 6 milliards d’euros, à fonds perdus, pour tenter de sauver DEXIA (qui finalement fera faillite), l’Etat a repris un encours de 90 milliards d’euros de dettes de cette banque intégrant une grande quantité d’emprunts toxiques (environ 10 milliards d’euros).
Pour préserver ses intérêts (et ceux des banques) l’Etat a fait voter, en juillet 2014, une loi dit de « validation » qui limite les possibilités d’action en justice des collectivités locales à l’encontre des banques. Il a également mis en place un fonds de soutien aux collectivités locales impactées par les emprunts toxiques qui est insuffisant (ce fonds dispose d’un montant de 3 milliards d’euros pour un risque évalué entre 15 et 20 milliards d’euros) et largement financé par le public.
En réalité l’Etat a cherché juste à se protéger et à sauver les banques bien plus qu’à soutenir les collectivités locales et leurs administrés.
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La responsabilité des citoyens, des médias et des acteurs politiques locaux :
Ayant pris rapidement conscience des conséquences catastrophiques générés par ces emprunts toxiques les collectifs de Lyon et des Monts du Lyonnais pour un audit citoyen de la dette publique ont essayé de dénoncer cette situation. Par des contacts avec les élus, par des interpellations des exécutifs de la Métropole et du Département, par des conférences de presse (notamment celle du 16 mai 2016) nous avons questionné, proposés nos analyses et nos solutions plus favorables aux citoyens, nous avons tenté de mobiliser par des conférences, des pétitions, des distributions de tracts (notamment le 30 mai devant le Conseil métropolitain de Lyon). Le résultat de tout ce travail, quoique certainement positif, s’est révélé largement insuffisant pour peser dans les choix politiques.
Ni les organisations politiques, ni les syndicats que nous avons sollicités et qui partagent largement nos analyses sur ces sujets ne nous ont réellement relayés dans ces actions.
Les médias, notamment écrits, portent une part importante de responsabilité dans cette prise de conscience insuffisante des citoyens. On peut même dire qu’un journal comme « le Progrès » a véritablement censuré nos conférences de presse (notamment celle du 16 mai 2016) au cours des desquelles les journalistes présents ont largement été informés de nos propositions et analyses. De façon paradoxale les médias audio-visuels ont portés une écoute beaucoup plus favorable à nos interventions.
Notre collectif de Lyon a tenté une ultime démarche en août 2016 en écrivant à nouveau au Président de la Métropole de Lyon et à celui du Conseil général du Rhône en leur demandant de renoncer au protocole de négociation avec les banques, de ne pas payer des indemnités extravagantes et d’agir contre ces actions frauduleuses des banques qui ont fait souscrire massivement des emprunts toxiques aux collectivités locales.
La démocratie bafouée !
Les péripéties des emprunts toxiques sont révélatrices de l’état du débat politique en France et du rôle des acteurs :
Des banques spéculatrices qui n’agissent que pour leurs bénéfices.
Un Etat favorable aux banques qui néglige l’intérêt public
Des élus locaux majoritairement plus sensibles aux propositions des banques qu’à la défense du bien public
Des médias locaux peu capables d’analyses critiques et largement soumis à la promotion des élus locaux.
Des citoyens mal informés qui ont une faible possibilité de se faire entendre par des décideurs qui se pensent omniscients
Une démocratie bafouée en quelque sorte !
Jean Jacques LACROIX
Collectif de Lyon pour un Audit Citoyen de la Dette Publique
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Collectif des Monts du Lyonnais pour un Audit Citoyen de la Dette Publique
Depuis bien longtemps, on sait que plusieurs mandats d'Elus successifs favorisent le copinage et les petits accords entre amis pour ne pas dire les malversations entre le monde économique et le monde politique!!!!
Arrêtons de demander aux Elus de faire des lois pour le bien être de la collectivité, elles sont en contradictions avec leur bien être perso!!!
Prenons le pouvoir!!!!!!!!
Hervé
06/09/2016 14:15
Hervé