Communiqués

Echanger et planter la biodiversité serait-il illégal ?
Dimanche 14 Juin 2009

Samedi 6 juin 2009, sur le marché biologique de Ste Foy l’Argentière, il y a eu d’étranges transactions de semences en présence de quelques élus locaux.

Les visiteurs ont échangé des graines et des plants de leurs potagers ou des produits fabriqués à base de plantes sans autorisation de mise sur le marché. Le conseiller général Bernard Chaverot a désobéi à la loi en échangeant ses plants de tomates sur la place d’un marché. D’autres maires ont décidé de planter sur leur commune une biodiversité qui serait illégale.

A partir de 8 heures du matin, les exposants commencent à s’installer sur le marché biologique de Ste Foy l’Argentière. Au milieu de cet espace, l’association la Ruche de l’écologie installe des tables sur lesquelles les visiteurs viendront poser et s’échanger des variétés de plantes et de semences potagères. La particularité de ces graines et végétaux est qu’ils se sont développés dans les jardins. Ils n’ont donc pas d’autorisation légale de mise sur le marché. Il est donc interdit de les échanger, de les donner ou de les vendre. Pour respecter la loi, il aurait fallu demander leur inscription au catalogue officiel et payer plusieurs centaines d’euros pour chaque variété.

C’est ainsi que "Kokopelli", une association qui cultive et distribue d’anciennes plantes oubliées, a été condamnée par la justice à cause d’un dépôt de plainte des industriels semenciers. Il faut payer pour avoir le droit de vendre ou d’échanger les semences de son jardin. C’est la même logique pour les produits à base d’extrait de plantes comme le purin d’ortie. Cette préparation, sans danger et sans tête de mort sur la bouteille, peut être utilisée comme un fertilisant ou un répulsif d’insectes au jardin.

Pour dénoncer cette confiscation des savoirs et des pratiques paysannes, l’association la Ruche de l’écologie a organisé ce libre-échange de graines, de plants et de produits d’extraits de plantes. Bernard Chaverot, conseiller général du canton, a revendiqué le droit d’échanger et de donner ses semences et en particuliers ses très beaux plants de tomates qu’il a volontairement apportées sur ce marché.

Avant de se restaurer par un repas biologique sous la hall au marché, Marie Luce Arnoux, Jean Claude Picard et Michel Rampon, respectivement maire de Chambost Longessaigne, de Duerne et de Longessaigne, ont expliqué leur motivation pour défendre cette solidarité du libre échange de la biodiversité. Certaines communes ont déjà voté des délibérations en faveur de ces échanges de semences paysannes. D’autres se sont opposées à la plantation d’OGM qui menace aussi cette biodiversité.

Quelques volontaires se sont ensuite retrouvés l’après-midi sur la commune de Duerne et de Chambost-longessaigne. Ils ont planté, en présence du maire et de quelques conseillers municipaux, des variétés de plantes qui ne disposent pas d’une inscription au catalogue officiel. En partenariat avec les adhérents des associations « la Ruche de l’écologie », « Peuples solidaires » et « Kokopelli », les graines seront récoltées à l’automne et redistribuées aux jardiniers volontaires.

Si cette action est considérée comme illégale, elle contribue au partage de la biodiversité dans les Monts du lyonnais et son adaptation aux aléas du changement climatique.

Site internet Semons la Biodiversité
www.semonslabiodiversite.org

Site internet de Kokopelli
www.kokopelli.asso.fr


POUR EN SAVOIR PLUS :
C'EST QUOI LE CATALOGUE OFFICIEL DES SEMENCES ?

Pourquoi les variétés commercialisées par l'association KOKOPELLI n’étaient-elles pas inscrites au Catalogue Officiel ? En vérité, ce catalogue, qui fait la part belle aux variétés technologiques, posent des conditions à son accès qui le rendent incompatible avec les caractéristiques même des variétés vendues par l’association, librement reproductibles, mais également non homogènes – puisque les fruits, sur un même plant, ne sont pas exactement identiques les uns aux autres – et capables d’adaptation et d’évolution en fonction des terroirs où elles seront plantées. Au surplus, les tarifs d’inscription au Catalogue sont prohibitifs (500 euros en moyenne pour chaque variété, sans compter les droits annuels à payer pour les différents types d’examens obligatoires). En définitive, ce catalogue, initialement facultatif et ouvert à toutes les semences, est devenu, par une dérive administrative, le pré carré exclusif des créations variétales issues de la recherche agronomique. Le Registre créé à l’origine pour protéger ces créations variétales n’ayant rencontré aucun succès, l’administration a accepté de faire droit aux revendications des semenciers professionnels et des instituts de recherche publics en organisant, avec le Catalogue et ses conditions d’inscription, le monopole de la semence hybride - qui présentait l’immense avantage, du point de vue commercial, de n’être pas reproductible et d’impliquer l’utilisation massive d’intrants chimiques.

Les conditions d’inscription au Catalogue Officiel, faites pour des types précis de semences uniquement, rendent impossible l’inscription des semences de l'association KOKOPELLI au Catalogue comme celles de tous les jardiniers amateurs ou professionnels. Sont-elles pour autant inintéressantes sur le plan agricole, commercial, ou nutritionnel? Pas du tout, car leurs utilisateurs les plébiscitent, pour leur diversité de formes et de couleurs, leurs qualités gustatives, leurs richesses nutritionnelles, leur résistance aux maladies, leur résilience et leur productivité. La protection des consommateurs exige-t-elle alors que cette collection de variétés soit interdite à la vente ? Encore moins, dans un contexte d’érosion généralisée de nos ressources phytogénétiques, et alors que les variétés anciennes présentent de véritables atouts pour faire face aux changements climatiques. De plus, il faut préciser que les conditions d’inscription au Catalogue n’ont rien à voir avec les exigences strictement sanitaires auxquelles les semences doivent satisfaire.

En réalité, il convient ici de faire le constat de l’inadaptation de la réglementation à la diversité des modes d’activité agricole. Cette situation résulte d’une volonté politique d’industrialiser et de mécaniser la production agricole.
Pendant la seconde moitié du siècle dernier, la France a réussi à imposer cette réglementation aussi bien au niveau international qu’en Europe, de sorte que ces obligations sont extrêmement pénalisant pour maintenir et développer la biodiversité.

Précisons enfin que, si la France a créé un catalogue consacré aux “variétés amateurs” - lequel est présenté par nos institutions comme une panacée -, celui-ci ne règle nullement le problème puisque les conditions posées à son inscription sont les mêmes que pour le catalogue général et les tarifs d’inscription en sont restés rédhibitoires (250,49€ pour chaque variété, en 2008). Il est de plus destiné qu'aux seuls jardiniers non professionnels.

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La Ruche de l'Ecologie

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