Communiqués

Mon séjour en territoire occupé
Dimanche 09 Janvier 2011

Monique est adhérente à la Ruche de l'écologie et membre du Conseil d'administration. Elle décida de repartir en Palestine cet automne 2010 pour une durée de 6 semaines.
Nous vous invitons à prendre le temps de lire son témoignage ci-dessous et découvrir ainsi le sentiment de son vécu personnel.

Vous pouvez aussi visionner quelques photos en allant sur ce site :
http://collectif69palestine.free.fr/article.php3?id_article=289

MON SEJOUR EN TERRITOIRE OCCUPE

Monique :
A kafr qadum la cueillette des olives : l'armée nous demande de partir. J’ai vu de plus près le vol continu des terres, la guerre des terres que mène Israël dans certaines zones, les conditions de travail qui sont imposées aux palestiniens dans un tel contexte, et face à cela la résistance des palestiniens pour défendre leurs terres . J’ai découvert qu’il ne suffisait pas de prendre des terres pour des colonies, mais qu’à cela se rajoutait la mainmise sur de grandes zones attenantes où les palestiniens ne sont plus maîtres de l’exploitation de leurs terres, sorte de zone tampon de « sécurité » pour les colonies. Zones entièrement contrôlées par Israël, zones d’annexion en puissance, barrières invisibles mais néanmoins réelles qui n’apparaissent pas sur les cartes. J’ai vu chez les palestiniens l’attachement à leur terre, à leurs arbres, à la terre de leurs ancêtres. J’ai vu beaucoup de souffrance, et aussi beaucoup de force et de dignité.

La résistance dans les terres

Pourquoi me rendre à nouveau en Palestine ? Dix huit mois après une mission civile au printemps 2009 avec IWPS (international women’s peace service), je décidais de repartir six semaines. Le soutien « à distance » en militant avec des organisations sur Lyon , ou en organisant des soirées de témoignage, trouvaient pour moi leurs limites. Besoin de repartir, d’être physiquement présente dans un soutien direct. Pour aussi poursuivre ensuite les témoignages en France à partir d’un nouveau vécu.

Face à une situation politique qui s’enlise et n’apporte aucun espoir bien au contraire, il me semble d’autant plus important que la société civile internationale réagisse .

A chacun de trouver son engagement ; personnellement je retiens : le BDS (boycott, desinvestissement , sanctions), mais aussi parler, lever le voile trop longtemps mis sur ce sujet, échanger avec d’autres repères pour faire évoluer les esprits déformés par des médias sélectifs et orientés, se rendre sur place en solidarité avec une résistance juste, pour témoigner ensuite de la violence d’Israël face à des palestiniens désarmés et non violents. Cette médiatisation les palestiniens nous la demandent et elle est nécessaire pour que leur mouvement prenne toute son ampleur.

Mais il ne suffit pas de vouloir partir, se pose la question de comment le faire, comment se positionner là bas ? Je m’étais trouvée en accord avec le type d’action d’IWPS : observation, présence et soutien à la résistance non violente dans un secteur donné.

Je décidais à partir des situations que j’avais vécues alors , de m’orienter sur le soutien à la résistance dans les terres. A la résistance dont on parle moins, celle de la vie quotidienne, celle de gens ou de villages isolés. J’avais connu les rassemblements hebdomadaires des comités populaires autour de Bil’in, Nil’in...face au Mur, et je savais que ma place n’était pas là dans cet affrontement inévitable avec l’armée israélienne . Je voulais aussi être plus près des gens, partager autant que possible leur travail.

Sur les quatre temps forts que j’ai vécus, deux l’ont été par l’intermédiaire d’ organisations que j’ai rejointes, deux autres étaient des contacts personnels directs avec des familles susceptibles de m’accueillir. Les entre deux ont aussi eu leur importance : temps de repos, temps de visites de familles rencontrées précédemment, temps à Jérusalem pour participer à des manifestations, temps à Haifa pour « faire un pas » en Israël, avant de repartir.

Ces quatre temps furent :

- la récolte des olives dans la région de Kafr Qaddum avec IWPS,

- la permanence assurée dans le village de Yanoun en remplacement de l’équipe d’EAPPI (Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israël),

- le partage du travail et de la vie quotidienne dans une famille de maraîchers à Tulkarem,

- la visite prolongée à « la tente des nations » lieu fort de résistance d’une famille au sud de Bethléem.

Les mails qui suivent racontent et témoignent des conditions de vie et de travail dans ces lieux. Des situations , des histoires différentes mais une même souffrance, cette emprise de l’occupation, de l’annexion constante de leurs terres, un avenir bouché, et demain peut-être pire qu’aujourd’hui.

Que dire d’une façon générale de ce nouveau séjour ? J’ai vu de plus près le vol continu des terres, la guerre des terres que mène Israël dans certaines zones, les conditions de travail qui sont imposées aux palestiniens dans un tel contexte, et face à cela la résistance des palestiniens pour défendre leurs terres.

J’ai découvert qu’il ne suffisait pas de prendre des terres pour des colonies, mais qu’à cela se rajoutait la mainmise sur de grandes zones attenantes où les palestiniens ne sont plus maîtres de l’exploitation de leurs terres, sorte de zone tampon de « sécurité » pour les colonies. Zones entièrement contrôlées par Israël, zones d’annexion en puissance, barrières invisibles mais néanmoins réelles qui n’apparaissent pas sur les cartes. J’ai vu chez les palestiniens l’attachement à leur terre, à leurs arbres, à la terre de leurs ancêtres. J’ai vu beaucoup de souffrance, et aussi beaucoup de force et de dignité.

Mais face à une telle pression d’Israël pour s’accaparer constamment des terres, je m’interroge sur la nature et l’ampleur du soutien à apporter à la résistance palestinienne. Ils n’ont pas tous les mêmes moyens de résister... « La tente des nations » est un exemple de lieu fort de résistance qui pour l’instant a les moyens de résister grâce aux actes de propriété qu’ils possèdent, famille qui de plus a recherché un appui international.

Le village de Yanoun de part son histoire a l’appui depuis huit ans d’une organisation internationale qui assure la présence de volontaires, d’autres villages sont dans des situations identiques et demandent une aide similaire (est-cela ou d’autres formes d’actions à inventer ?..) . J’ai aussi rencontré des activistes qui sont peu nombreux et isolés pour défendre leurs terres , pour faire des contre projets, notamment dans le site de Wadi Qana (commune de Deir Istya) où Israël veut faire une réserve naturelle.

Si notre présence apporte un peu de baume au cœur dans cette barbarie qu’ils vivent, vivre avec eux c’est une grande leçon d’humanité et beaucoup de chaleur humaine que l’on reçoit.

Kafr Qaddum, Samedi 16 octobre 2010, la récolte des olives

Depuis mardi j’ai rejoint un groupe de volontaires sous la responsabilité d’IWPS (international women’s peace service) avec qui j’avais séjourné à Hares au printemps 2009. Nous sommes installées sur la commune de Kafr Qaddum proche de la colonie de Qedumim. Kafr qadum est un village de 4000 habitants environ situé entre Naplouse et Qalqilya ; la colonie de Qedumim compte 10000 habitants, elle s’est implantée en grande partie sur les terres de ce village , elle a coupé des routes d’accès aux terres, ils doivent maintenant faire tout un détour en voiture pour s’y rendre, et la colonie continue de s’étendre.

Samedi, journée de repos. Les terres où nous ramassons les olives sont près de la colonie de Qedumim et dès hier vendredi en fin d’ après midi des colons s’installaient sur une colline proche de la colonie et proche des terres où nous travaillions, une nouvelle colline dont ils sont en train de prendre possession de façon sauvage ; les militaires étaient là pour réellement nous chasser du secteur, prétextant soudain d’une déclaration de « closed military zone » sur ces lieux .

Nous avions encore moins de légitimité, si l ‘on peut dire, d’être là, palestiniens et volontaires internationaux. Les fermiers étaient venus, en voiture ou en tracteur, du village de Kafr Qaddum, nous (un père et six de ses fils de 16 à 4 ans ,une volontaire coréenne et moi , nous étions avec l’ âne et la charrette, encore plus la sensation de vivre une retraite forcée !

En travaillant à cette récolte des olives je comprends encore mieux comment les palestiniens sur leurs terres , en tout cas pour les terres proches des colonies, sont indésirables. Normalement, d ‘après un jugement de la cour suprême israélienne, ils devraient pouvoir aller travailler leurs terres quand ils le veulent, excepté quand l’ armée déclare une zone, même petite, fermée (« closed military zone ») ; mais dans ce cas là toutes les raisons de le faire ne sont pas autorisées (notamment fermer ainsi une zone sous prétexte de protéger les palestiniens de la violence présumée des colons) ; mais dans les faits les militaires usent de ce droit quand ils veulent, sans avoir de raisons à donner aux propriétaires des terres, usant aussi de leur pouvoir d’intimidation des palestiniens.

D’autres réglementations plus ou moins légales, viennent cadrer le travail dans les terres...des distances par rapport aux colonies (moins de 500mètres par exemple), avec des permissions à demander, des dates de démarrage de la récolte fixée par l’armée ( ici c’ est le 21 oct), puis des dates fixes et des durées selon les zones ( un jour, quatre jours...). Les palestiniens savent les risques à attendre ces dates, les colons peuvent faire la cueillette avant eux ! alors ils démarrent quand même avant avec les aléas ( être chassés ou non par l’ armée). Tout cela est d’une complexité ; je perçois peu a peu ce fonctionnement mais ce qui est sûr c’est que tout cela est fait pour les entraver , les décourager d’exploiter leurs terres, et les abandonner.

Nous avons un campement dans une salle municipale de ce village, nous sommes une dizaine de volontaires (majoritairement germaniques) ; tous les soirs il y a une réunion avec un membre de la municipalité où il est décidé chez quels fermiers nous nous répartirons le lendemain, selon les demandes et les lieux qui craignent le plus. Si des palestiniens souhaitent notre présence , c’ est sûrement pour eux un soutien, mais je ne peux en dire plus plus après trois jours de récolte sur la nature de ce soutien.

Il ne faut pas nous imaginer en protecteur avec des boucliers, nous sommes là, avec eux, si il y a des problèmes nous les partageons et notre présence doit sans doute limiter l’ escalade, puisque nous sommes témoins. Pour l’ instant je n’ ai pas vécu d’ intrusions de colons, seulement des interventions de l’ armée pour nous faire quitter les champs, et parfois une présence à distance comme pour nous protéger des colons( ?)..

Pas d’ inquiétude à avoir, nous ne sommes pas seules , être là au milieu de plusieurs adultes d’ une famille c’ est très chaleureux , on se sert vraiment les coudes, et puis il y a des journées où tout se passe bien.

Le travail est dur, le soleil se lève vers 5 heures, à 7 heures on est au travail, la chaleur monte vite, hier j ai dû boire 3 litres d’ eau !, mais dès 15h ça décline, et nous arrêtons vers 16h30, avant 18h il fait nuit. Nous rentrons comme des charbonniers , couverts de la poussière des arbres que nous frottons avec des petits râteaux en plastique ou avec les mains pour récolter les olives. Je pense souvent à la cueillette des cerises à Ancy, malgré toutes les différences .. !

J’ ai complètement oublié qu’en France c’ est l’ automne. La maison d IWPS est plus loin dans le village de Deir istya et j y vais tous les trois quatre jours, c’ est de là que je peux donner des nouvelles.

Je suis contente d’ être sur ces terres que j aime et dont j’apprécie aussi les habitants, un lieu qui me devient familier.
Deir Istya, à la maison d’IWPS Samedi 30 octobre, suite et fin de mon séjour à la récolte des olives

Pendant que vous menez les luttes en France, je tente de partager celles d’ici. Alors ces nouvelles vont peut être vous paraitre lointaines, et je vais essayer d’être brève.

Après près de trois semaines à la récolte des olives, je prends deux jours pour laver mon linge, voir des amis palestiniens rencontrés il y a un an , me reposer, prendre du recul, préparer la suite, avant de repartir demain dans d’autres lieux.

Hier un ami, me disait : « il ne suffit pas de s’interroger sur le pourquoi une telle occupation dure, ou de dire son désaccord sur cette situation, il faut l’arrêter... »

Les olives c’est un très gros travail qui dure deux à trois mois, des collines entières couvertes d’oliviers, un travail fatiguant et encore plus quand il se fait dans des zones près des colonies. Dans ces zones là où c’est la guerre des terres, on fait tout pour leur rendre le travail difficile. C’est là que les volontaires internationaux essaient d’apporter un soutien.

Dans ces zones, pas plus d’ une fois ou deux par an les fermiers ne peuvent se rendre dans les champs et faire le travail d’entretien (labour, taille, récolte).

Quelqu’un me disait : « avant on avait 7 jours pour les labours, c’est passé à trois jours et maintenant à un jour ». Pour la récolte idem, des dates sont données, un nombre de jours et pas plus ; aucune liberté pour travailler dans ses champs , il faut aller vite parcequ’on a peu de jours , sous le regard des soldats bienveillants ou malveillants qui peuvent vous faire quitter le champ à leur bon vouloir ; une totale dépendance. Quand ils partent le matin , c’est toujours l’inconnu, pourront-ils ou non ramasser, seront-ils chassés par l’armée, attaqués par des colons.. ? Et pour en rajouter, cette semaine les internationaux ne pouvaient pas travailler dans les zones dites rouges, seuls les palestiniens pouvaient y être ; alors on jouait au chat et à la souris, on se trouvait une place où quand même apporter notre aide.

Durant le temps que j’ai passé à la récolte, les colons ne se sont pas manifestés en journée dans les terres où je me trouvais ; mais il y avait presque chaque jour (dixit le maire) des vols de récolte , des feux , des intrusions, des tirs ...et une nuit des tags dans le village puis le lendemain une descente armée sur le village d’un groupe de colons extrémistes , ils tiraient en l’air ; l’armée est intervenue pour les repousser. Je pourrais parler aussi des conditions difficiles d’accès, des routes barrées, des pistes en terre en très mauvais état qu’ils ne peuvent améliorer (zone c réglementée entièrement par Israël), de certaines pistes où on leur interdit d’aller en tracteur, seulement avec l’âne !, comment exploiter des milliers d’arbres sans user de tracteurs ! un tracteur s’est vu décerner une amende pour avoir été dans les terres !, quand ce n’est pas sous l’ordre des soldats, sortir de la piste, marcher le long dans les broussailles et les pierres... humiliation totale !

Derrière tout cela il y a une guerre des terres. Un homme m’a raconté comment chaque petite colline est convoitée par les israéliens ; quand ils ont pris une colline ils les relient entre elles et les terres entre les deux sont perdues pour les palestiniens. Alors les collines sont des points sensibles qu’il faut particulièrement défendre.. il faut aller souvent dans les champs qui s’y trouvent, jusqu’à y dormir parfois, le temps que les pressions se font sentir. Quand ce n’est pas une colline, c’est un projet de route qui justifie de prendre des terres..

Alors dans ce monde de brut qu’impose Israël, l’accueil, l’amitié, la convivialité des palestiniens est un souffle de ce que devrait être la vraie vie.

« ils continuent , ils continueront a nous faire souffrir on ne sait combien de temps, mais nous serons toujours là » me disait l’un d’eux.

Et puis cette très belle remarque d’ un homme avec qui je discutais en cueillant les olives..... dans ce contexte où ils ne sont pas respectés et considérés comme des êtres humains :« vous les volontaires, vous nous apportez de l’humanité », à quoi j’ai répondu plus tard : « et vous , vous nous donnez une grande leçon d’humanité ».

En travaillant aux olives on s’interroge parfois sur le réel soutien qu’on apporte (en plus d’être une main d’œuvre appréciée), mais cette seule remarque justifie pour moi notre présence. Même si il est évident que dans certains cas nous permettons réellement à certains de récolter.

Il a fait très chaud , mais le temps semble changer, la pluie cette nuit et plus de fraicheur. A part quelques jours à Jérusalem pour voir des associations, me joindre aux manifestations du vendredi (celle des Femmes en noir, et celle contre les démolitions à Jérusalem Est), je vais repartir dans « les terres », c’est un peu le fil de mon séjour, rencontrer des gens , des lieux , qui résistent sur leurs terres.

Pendant que j’écris des enfants jouent au foot dans la rue en dessous.
Dans un hôtel de Jérusalem 4 novembre, quelques mots sur mon séjour à Tukarem

Après les olives, au lieu de descendre sur Jérusalem comme annoncé, j’ai dû changer mon programme et remonter sur Tulkarem accueillie par une famille de maraîchers .

Difficile d’écrire dans cet hôtel, mais je ne peux pas ne pas dire quelques mots sur le temps que je viens de passer à Tulkarem, ville au nord ouest, au bord de la ligne verte et donc du Mur, ville qui souffre énormément de cette barrière. J’aurai beaucoup a dire en rentrant, avec photos ce sera mieux

J’étais donc dans une famille palestinienne de fermiers/maraichers (farmers comme on dit ici), j’ ai vécu et travaillé avec eux quatre jours. J’avais connu le père en France lors d’un de ses voyages de témoignage. Terre des grands parents, terre de maraîchage en partie sous serres, concombres, tomates,haricots..mais aussi arbres fruitiers, le tout le plus possible en culture « organique ».

Et puis une usine chimique d’engrais et de pesticides très polluante et toxique vient se coller à côté d’eux, leur prenant une partie des terres . Les israéliens n’en voulaient plus au milieu de leur territoire, alors elle a été déplacée vers la ligne verte et même de l’autre côté, en territoire palestinien, juste au pied de Tulkarem ville de plus de 30 000 habitants ; pollution pour toute la ville, les vents dominants venant de l’ouest. Quand les vents soufflent de l’Est , l’usine est arrêtée à la demande d’une usine israélienne produisant des fleurs !

Puis vient la deuxième intifada, on veut leur prendre leurs trois ha, une lutte incroyable quotidienne entre 2000 et 2003 (leurs cultures détruites plusieurs fois par des bulldozers, les conduites d’eau d’irrigation coupées ...), mais chaque fois ils redémarrent . Puis la construction du Mur en 2003 qui leur prend encore des terres, leur reste alors 1 ha sur les 3 ha qu’ils avaient et où ils faisaient travailler dix personnes.

L’hiver dernier toutes les terres ont été inondées pendant trois mois détruisant les cultures et les serres, parce-que le mur bloque l’écoulement des eaux venant des hauteurs de Cisjordanie ; des vannes permettant l’écoulement ont été prévues, mais elles sont ouvertes au bon vouloir de l’armée israélienne et là elles sont restées fermées trois mois ! Pendant que j’aidais à la ferme, le père activiste engagé dans les comités populaires non violents, partait pour une tournée d’un mois en Belgique et en France. Un temps très fort par le partage du travail mais aussi de la vie quotidienne avec la famille et les cinq enfants.
Yanoun 9 novembre

Je vis actuellement avec force et beaucoup d’émotion, ce que peut signifier « être présent simplement dans un lieu », et cela d’une façon et dans un contexte qui me semble totalement unique.

Yanoun est un petit village au nord Est de la Cisjordanie, à 20 km de Naplouse et très proche de la vallée du jourdain. C’est un lieu absolument merveilleux, en hauteur, autour de 900m (sensation d’être en montagne aussi pour l’air et la luminosité) à flanc de colline au fond d’une vallée, la route s’arrête là.. un site grandiose. Encore des oliviers, mais sur les hauteurs davantage de landes où devraient paitre les moutons et les chèvres, principale activité économique des habitants ici ; mais du fait de l’extension des colonies et du vol des terres, les bêtes sont condamnées à brouter quelques espaces proches des maisons et principalement de la nourriture achetée !

Un village qui a failli être balayé de la carte de la Palestine en octobre 2002 comme l’ont été des villages en 48 lors de la création de l’Etat d’Israël. La colonie d’Itamar construite à 10 km en 1984, puis peu a peu des extensions agricoles sauvages (avant postes) conduites par des colons extrémistes, et le village se retrouve peu a peu encerclé sur toutes les crêtes qui le dominent.

Dans les années 96 les violences envers la population et les animaux s’intensifient, culminant pendant la deuxième intifada, et en octobre 2002 toutes les familles excepté deux frères, décident de quitter le village, après une dizaine d’années de terreur et de souffrances. Cet évènement fut relaté dans la presse internationale le jour même.. ce qui s’était passé en 48, pouvait encore se reproduire !.

Aussitôt des pacifistes israéliens organisent avec des internationaux une présence constante jour et nuit pour sécuriser le village et tenter de faciliter le retour des villageois. Dès le deuxième jour certains reviennent, d’autres mettront quatre ans..

Depuis cette date une présence continue est assurée jour et nuit toute l’année par des volontaires internationaux installés dans une des maisons , organisation prise en charge par un mouvement oecumenique EAPPI (ecumenical accompaniment programme in Palestine and Israel). Il y a aujourd’hui 17 familles réparties sur deux villages , Yanoun le bas, Yanoun le haut, une centaine de personnes dont une soixantaine d’enfants, dont une dizaine en primaire dans l’école du village.

Imaginez que vous allez passer une semaine dans un ermitage de moyenne montagne , dans un site fabuleux, au bout du monde et qu’on vous demande simplement « d’être là, présent » . Vous êtes deux, vous devez être le plus souvent visibles, à l’extérieur de la maison, vous faites le tour du village , de tous les hameaux matin et soir, vous croisez ou visitez les familles... et c’est cela que les familles attendent de vous et c’est cela qui a fait que peu à peu , une certaine tranquillité est revenue, que l’école a réouvert, que les enfants jouent dehors... que les colons se montrent encore à certains moments pour impressionner le village, mais sans violences effectives depuis quelque temps.

Des familles ont retrouvé leur village, leurs maisons, leur activité, mais néanmoins la vie est difficile, c’est toujours l’occupation et d’autant plus en zone C où tout est contrôlé par Israël avec aucune possibilité de construire même pas des bâtiments agricoles. A la perte des terres occupées par les colonies elles mêmes, se rajoutent de grands espaces où ils ne peuvent plus approcher car jugées trop proches des installations des colons.....

Alors participer a cette chaîne de solidarité internationale, pour éviter qu’un village palestinien ne disparaisse et permettre que ses habitants y demeurent.....par une simple présence ! j’avoue que c’est plus qu’émouvant, je ne trouve pas de mots. Je suis dans cet “ermitage” pour toute la semaine et il fait toujours beau et chaud. Ici ils attendent la pluie, c’est un automne très sec.

Yanoun aura été l’un des temps les plus forts de mon séjour en Palestine. J’ai vécu au rythme de la fabrication du pain tôt au lever du jour, du va et vient des troupeaux, de nos « marches » dans et autour du village , des rencontres avec les familles ... dans un cadre merveilleux. Mais j’ai aussi ressenti très fort la souffrance de ces villageois qui résistent mais survivent dans des conditions limites, sans avenir, avec un exode rural régulier ; chaque année une famille s’en va vers la ville, et les colons le voient et n’attendent que de prendre la place . L’exode rural c’est une chose, mais quand on risque de ne plus pouvoir revenir parcequ’on vous aura volé vos terres, c’est encore autre chose.
« la tente des nations Jeudi 18 novembre »

Ce matin j’ai quitté après trois jours, un lieu fort de résistance : « la tente des nations », près de Bethléem. Une famille chrétienne palestinienne se bat depuis près de 20 ans pour garder ses 40 ha de terre que les arrières grands parents ont acquis il y a près d’un siècle. Bien sûr on a voulu leur prendre ou leur acheter leurs terres mais ils ont tout de suite interpellé la Cour suprême israélienne avec leurs titres de propriété à l’appui et ils ne lâchent pas malgré toutes les tracasseries administratives qu’on leur met en chemin. Ils ont deux avocats et un fort soutien international. Néanmoins ils partagent le même sort que tous les palestiniens, un avenir incertain , bouché et une lutte quotidienne pour tenir.

Tout autour de leur colline, véritable promontoire, les colonies ont fleuri et les encerclent, eux et un village palestinien de plusieurs milliers d’habitants. A leurs pieds une des plus grandes colonies Betar Illit (38 000habitants), qui brille de tous ses feux le soir, quand eux n’ont droit ni à l’électricité , ni à l’eau, ni de construire le moindre abri. !

Ils sont plein d’ingéniosité pour survivre et vivre dans de telles conditions. A part deux petites maisons construites avant les accords d’ Oslo (1993/1995 ) qui ont conduit au découpage du territoire palestinien en zones A, B , C ( eux sont en C= entier contrôle d’Israël) ; ils ont creusé des pièces en sous sol sortes de grottes, et l’accueil se fait sous des tentes. Malgré tout ils ont 9 ordres de démolition (pour de nouvelles petites constructions au trois quart enterrées, les tentes, une serre... !) , pour l’eau ils récupèrent l’eau de pluie dans une dizaine de puits qu’ils ont creusés, électricité vient de leur arriver avec un don par des allemands de panneaux photovoltaïques.

Leur objectif : faire de ce lieu un lieu ouvert à tous, sans aucune discrimination, un village de la paix ; ils accueillent aussi bien les enfants des camps de réfugiés pour des camps d’été , que des israéliens des colonies voisines ou d’ailleurs, des juifs en visite en Israël.. Ils font tout pour créer des ponts, « nous refusons d’être des ennemis pour nos voisins et que nos voisins soient des ennemis ». Il y a presque tous les jours des visiteurs, cela est aussi très important pour eux , ça en fait un lieu fort, très vivant ; cela se voit, il y a des allers venues fréquentes d’autant plus remarquables sur une route barrée par des pierres et qui oblige à marcher à pied pour se rendre chez eux.

C’est une ferme, avec une grosse activité agricole surtout des vignes , des arbres fruitiers, des oliviers... et j’ai pu m’exercer à la taille des oliviers, j’en suis très fière.. Pour quelqu’un qui ne connait pas les territoires occupés, c’est un site qui parle de lui même, sans aucun commentaire. Il y la toute l’illustration physique dans ce site de la cruauté et l’injustice du développement des colonies en territoire palestinien... au pied et tout autour les colonies tentaculaires, véritable cancer , le gros village palestinien en dessous qui a perdu ses terres avec les colonies qui l’ont encerclé, et cette famille sur une colline qui se bat, et pour l’instant tient tête au colosse d’Israël. Encore un temps fort, et une immense leçon d’humanité dans la résistance non violente de cette famille. Voilà pour ce nouveau séjour en Palestine, qui se finit en Israël à Haïfa.
Haïfa

Je viens de « basculer » sur Israël, pour quelques jours avant mon retour lundi en France. Besoin de quitter l’enfermement des territoires occupés, de voir une ville “normale” en Israël où il n’y ait pas cette séparation entre juifs et arabes, où dans la rue je puisse rencontrer l’un ou l’autre . Quand on vit dans les territoires occupés, le juif c’est celui qui vit dans les colonies, qui a une clôture autour de lui, qu’on ne peut que croiser au bord de la route et on se regarde alors d’un drôle d’air parcequ’on devine qu’on ne va pas au même endroit, parcequ’on n’attend pas le bus au même endroit... et le colon c’est celui qui a pris les terres affectées aux palestiniens ..alors comment peut-on a priori avoir une sympathie ?... J’ai choisi la ville d’Haïfa et je loge dans un genre d’auberge, en petit dortoir et me voilà avec une jeune palestinienne d’un village israélien qui vient faire des études ici, et une juive israélienne qui se dort à la plage et cherche à s’installer dans cette ville...ça donne le ton et j’en suis très contente.

Les quatre jours à Haïfa ont bien répondu à cette quête d’un « ailleurs possible » où les gens se mêlaient dans la ville et les quartiers, sans distinction d’appartenance ; où j’ai pu rencontrer des juifs sans animosité de part et d’autre et en écoute réciproque, où j’ai pu entendre aussi leurs critiques ou leurs interrogations sur la politique d’Israël envers les palestiniens. J’aurais voulu, mais je n’ai pas pu faute de temps, rencontrer des associations pour mieux parler de la cohabitation juifs et arabes et du statut des palestiniens. Je n’ai pu avoir qu’un ressenti ; cette ville ouvrière d’où 60 000 palestiniens ont été chassés en 48, est néanmoins aujourd’hui une ville muti-culturelle et multi-confessionnelle qui se distingue en Israël.




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